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Pourquoi vous opposez-vous à ce projet de loi ?

Le professeur Bernard, gynécologue et chef de clinique explique son grand scepticisme sur le projet de loi : « Le dossier n’est vraiment pas bien complet de la part de ceux qui proposent cette loi, sur le plan des conséquences, qu’elles soient maternelles pour les grossesses suivantes et du côté technique des interruptions tardives. La chose à savoir est que l’interruption au-delà de 14 à 15 semaines est quelque chose de techniquement compliqué. Ce n’est pas sans risque pour la mère au moment de l’acte et également pour ses grossesses ultérieures. Peu de gens se rendent compte de l’avortement tel qu’il est pratiqué au-delà de 16 semaines en Hollande et en Angleterre. Il consiste à dilater le col de l’utérus mécaniquement. Il peut entraîner un risque de fausse couche tardive et accouchement prématuré pour les grossesses ultérieures. Il s’agit très clairement de sortir le foetus en morceaux puisqu’à la taille qu’il a, il ne sait pas passer. Il faut donc sortir un fœtus de 200 à 400 gr à 20 semaines en morceaux. On a du mal à avoir des précisions sur comment ils s’assurent avant le curetage que le fœtus ne vit plus et c’est évidemment d’une grande importance. On n’a pas la réponse non plus sur ce que perçoit un fœtus à cet âge-là. Mais que ce soit la technique médicamenteuse ou l’aspiration-curetage, cela restent des actes qui médicalement comportent des risques. Puisque nous sommes ici un centre universitaire, on a beaucoup de cas d’interruptions médicales de grossesse pour des problèmes soit fœtaux graves soit maternels graves. Donc on sait un petit peu de quoi on parle par rapport à cela. »

J'ai subi un IVG à 16 semaines, plus jamais ça !

Carine a subi un IVG à 16 semaines aux Pays-Bas. Plus jamais cela ! Elle regrette de ne pas avoir été informée des alternatives. Il y a tellement d’association de soutien aux femmes et aux nouveaux nés. Elle a eu un choc lorsqu’elle a entendu que le délai légal pourrait passer à 18 semaines.

Concrètement, comment se déroule une IVG de 20 semaines en Hollande ?

Le docteur Jean-François Legrève, gynécologue, a visité un centre d’avortement tardif en Hollande et explique: « Je ne sais pas si l’on se rend compte. J’ai été voir comment ça se passe en Hollande. Je vais vous l’expliquer en quelques secondes. Si on parle de 20 à 22 semaines d’aménorrhée, c’est plus ou moins la même chose. La manière dont ça se passe aux Pays-Bas jusque 20 semaines est la suivante : on dilate le col mécaniquement avec un dilatateur jusqu’à 1,5 cm puis, avec une pince, on arrache des morceaux du bébé pour qu’il passe dans le trou de 1,5 cm en sachant que la tête fait 4 cm, donc il faut l’écraser. Tout d’abord, nous n’avons pas de matériel adapté et il faudrait alors des formations car on ne sait pas le faire ici ou alors on le fait de manière vraiment exceptionnelle. C’est quelque chose d’extrêmement compliqué pour les praticiens. Je suppose que si ça doit se passer, ça se fera dans des centres où tout le monde est d’accord et avec une prise en charge spécifique pour ces patientes. Pratiquement il faut se rendre compte qu’il s’agit d’un bébé de 400 gr qui fait 20 cm et qui devra passer en morceaux par un petit trou d’1,5 cm. L’avortement à 20 semaines, c’est cela. C’est de retirer morceau par morceau. Il faut ensuite faire une échographie pour vérifier qu’on a pas oublié des petits morceaux. Quand on le fait tous les jours, ça doit être sans doute plus facile mais il y a un côté médical. »

Pourquoi augmenter le délai légal de 12 à 18 semaines est-il très violent ?

Le docteur Xavier De Muylder, gynécologue, exprime ses craintes sur l’extension du délai de 12 à 18 semaines: « Je crois que ce qui est en question pour le moment c’est l’extension de la loi qui a dépénalisé l’IVG. En fait pour le moment, on a une situation où on peut avoir des avortements jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée, donc 12 semaines de grossesse. Et je pense que cette loi n’est remise en question par quasiment plus personne. C’est une bonne loi, c’est une loi qui répond au souhait de la société. C’est une loi qui répond aux besoins de notre population. Le problème, c’est cette extension de 14 à 20 semaines, ou de 12 à 18 si vous préférez les termes de grossesse mais pour un gynécologue, cela entraine de la confusion. Cette extension est d’abord un saut énorme. 6 semaines rajoutées en une fois est quelque chose de très violent. Je vous rappelle que quand Madame Aubry a fait une prolongation de la loi en France, on a rajouté 2 semaines. Ici chez nous on veut en rajouter 6 d’un coup. On tombe donc pendant le deuxième trimestre où le fœtus est actif. Il s’est développé. On peut le connaître. On peut communiquer avec lui par l’haptonomie. Donc interrompre sa vie est un geste tout à fait différent. Une autre difficulté est évidemment qu’avec l’échographie qui est pratiquée entre 14 et 20 semaines, on découvre le fœtus beaucoup mieux. On découvre son sexe, mais je vous rappelle que le sexe, si on s’y prend très rapidement et très habilement on peut déjà le connaître par le NIPT test avec une détermination très fiable avant la fin de la 14e semaine. Dans la loi actuelle, les gens qui se préparent pourraient déjà avorter en fonction du sexe. Mais l’autre aspect, c’est que les échographies faites entre 14 à 20 semaines pourraient montrer des petites anomalies mineures qui ne sont encore que des petits signes d’appel ou de simples variations de la normale qu’on a un petit peu de difficulté à interpréter. Des patientes qui se présentent à l’échographie à ce moment-là pourraient ressentir beaucoup d’anxiété, de l’angoisse, de la panique. Dans une réaction qu’on ne pourrait plus encadrer dans une demande d’IVG pour autonomie ou pour détresse, elles iraient demander une interruption alors que cela ne se justifierait absolument pas.« 

Pourquoi ce projet mettra-t'il en danger les femmes en déni de grossesse ?

Le docteur Jean-François Legrève, gynécologue, Explique que la proposition de loi met en danger des femmes en situation de déni de grossesse: « Le gros souci, c’est que si on découvre sa grossesse après 12 semaines, ça peut être un déni de grossesse. Je ne dis pas que toutes les patientes qui découvrent une grossesse après 12 semaines font un déni de grossesse mais cela peut l’être. Alors un déni de grossesse, c’est une particularité psychique d’une patiente. Pour une patiente qui n’attendait pas une grossesse, elle n’est pas enceinte, elle n’a pas de bébé. Donc, arriver à 16, 17, 18 ou 19 semaines en disant « moi, je ne suis pas enceinte, je n’ai pas de bébé » est particulier et on lui dit « si, si, madame, vous êtes enceinte ». Si ce projet de loi passe, on va passer à côté de beaucoup de patientes qui font un déni de grossesse. Ces patientes-là sont en détresse psychique et elles ont besoin d’un accompagnement psychologique majeur. Donc si on les laisse dans la nature, ce sont des patientes qui sont psychiquement fragiles, qu’il faut aider et qu’on aide pas. Quand le bébé arrive, certaines mamans tuent leurs bébés en les mettant dans leur frigo ou à la poubelle, parce qu’elles ne savent pas qu’elles ont accouché d’un bébé. Elles font un déni de grossesse jusqu’à la naissance et ne se rendent pas compte qu’elles ont accouché d’un bébé. Toutes ces femmes-là ont toujours eu un déni de grossesse d’une partie de grossesse avant, ce qui veut dire que toute patiente qui a n’importe quel âge se retrouve à faire une IVG à 17, 18 ou 19 semaines, parce que c’est une découverte tardive la grossesse, est à risque de faire un infanticide un jour. Donc le fait de savoir que la découverte de la grossesse est tardive est un élément essentiel pour les prendre en charge. Si on leur propose un IVG en 48 heures, elles vont le faire et le problème c’est qu’elles sont dans la nature après et on va les lâcher. Toutes ces patients sont à risque et il faut les soutenir. Le fait de postposer l’IVG à 20 semaines pour toutes ses patientes-là, c’est un danger.«